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Le reboisement : Qu'en pensent 6 experts des forêts et des arbres ?
La crise climatique s’intensifie et les écosystèmes mondiaux subissent des pressions sans précédent. Le reboisement ne serait-il pas une solution puissante pour restaurer l’équilibre environnemental ? Et si oui, comment faut-il s’y prendre pour qu’il soit efficace ? Quelles sont les bonnes pratiques ?
Pour y voir plus clair, nous vous proposons une série d'interviews sur le sujet. Des experts des forêts, des arbres, de la biodiversité et de la restauration écologique y partagent leur connaissance, leur expertise. Ils nous donnent un aperçu approfondi des avantages écologiques, économiques et sociaux que la reforestation apporte. Les défis auxquels nous sommes confrontés seront aussi mis en lumière !
Alors, laissez-vous guider à travers des discussions passionnantes qui explorent les multiples facettes de cette action environnementale cruciale et les moyens par lesquels elle peut façonner un avenir plus durable pour les générations à venir.
Pour commencer cette série, nous avons interrogé David Happe.
David Happe est expert arboricole. Il est aussi membre de la Société Française d’Arboriculture et de l’association ARBRES. Auteur naturaliste, il a écrit de nombreux livres sur les arbres dont « Arbres en péril » (prix de l’Arbre 2021) aux éditions Le mot & le reste. Son prochain ouvrage, « Gardiennes de la nature », paraitra en avril prochain aux éditions Le pommier.
1. Pourquoi les programmes de reboisement sont-ils indispensables aujourd’hui ? À quels défis répondent-ils ?
Tout est une question d’échelle d’analyse :
En France métropolitaine
Les forêts couvrent une surface de près de 17 millions d’hectares – le tiers de celle du pays – et celle-ci n’a jamais été aussi importante depuis plus de quatre siècles. Les opérations de reboisement doivent donc répondre à des besoins ponctuels liés au renouvellement des parcelles décimées par exemple par les ravageurs. Ailleurs, autant que possible, il convient de renouveler par la voie de la régénération naturelle, excepté lorsque l’essence préexistante n’est plus adaptée au milieu au regard du changement climatique. Quant aux boisements de premières générations, ils sont utiles pour préserver par exemple des zones de protection de captage d’eau ou pour permettre la reconquête de la biodiversité dans des zones exposées à une forte pression liée au développement de l’agriculture intensive par exemple.
Au niveau mondial
La situation est ici différente. Les surfaces forestières ont régressé de plus de cent millions d’hectares en vingt ans (soit deux fois la surface de l’Hexagone !). Et la communauté scientifique prévoit que la moitié des 3000 milliards d’arbres sur Terre pourrait disparaitre d’ici la fin du siècle si des mesures fortes ne sont pas entreprises pour enrayer le déclin de la forêt mondiale. Dans beaucoup de régions de la planète, la situation est très préoccupante et il est indispensable de reboiser massivement pour lutter contre l’érosion des sols, lutter contre le changement climatique… Mais avant tout, le plus important est de préserver les forêts existantes, car aucune plantation ne pourra remplacer la qualité écologique des forêts natives.
2. Quelles sont les bonnes pratiques fondamentales à suivre pour garantir le succès d’un projet de reboisement ?
Pour un boisement ou un reboisement, la règle n° 1 à respecter est de planter le bon arbre au bon endroit. Il convient donc de sélectionner des espèces adaptées au milieu (sol, climat, topographie…) d’aujourd’hui, mais aussi de demain. En effet, les évolutions climatiques – à horizon de 50 ou 100 ans – vont fortement impacter les milieux dans lesquels les arbres vont devoir pousser. En France métropolitaine par exemple, on sait que certaines essences très présentes dans nos forêts – comme le hêtre – vont considérablement régresser d’ici 2100 du fait de leur inadaptation au changement climatique. Il importe de prendre également en compte ces évolutions.
3. En quoi la plantation massive d’arbres est-elle une mauvaise solution pour lutter contre le changement climatique ?
Tout dépend ce que l’on entend par plantation massive. Parle-t-on de densité de plantation ou de surface plantée ? Actuellement, la « mode » est au développement de plantations très denses d’arbres et d’arbustes sur de petites zones, ce que l’on désigne sous le terme de micro-forêts. En France métropolitaine et plus largement en Europe, je pense que dans la majorité des cas, ce type de projet est très coûteux et donne des résultats qui ne sont pas à la hauteur des investissements réalisés. Il me semblerait plus utile de mobiliser ces investissements pour d’autres projets de végétalisations plus pertinents.
Quant à la plantation massive en termes de surface, je n’ai pas d’avis définitif sur cette question. Tout dépend du contexte local.
4. Quels rôles jouent les espèces indigènes dans les projets de reboisement ?
Leurs rôles sont essentiels, car beaucoup d’espèces – fongiques, végétales, animales – ne se développent que dans des boisements composés d’espèces indigènes. Dans mon premier livre, « arbres en péril », je cite par exemple le rôle écologique crucial des cédraies au Maroc qui accueillent une trentaine d’oiseaux nicheurs, soit l’un des écosystèmes forestiers du pays abritant la plus forte concentration d’espèces aviaires.
5. Quel rôle jouent les communautés locales dans la réussite à long terme des projets de reboisement, et quelles sont les approches les plus efficaces pour les impliquer ?
Je pense qu’au niveau mondial l’implication des communautés locales est vraiment un gage de réussite des projets !
Le projet le plus connu, et certainement le plus impressionnant, est celui qu’a pu porter Wangari Maathai au Kenya via le Green Belt Movement. Cette ONG fondée par elle en 1977 est toujours très active. Elle mobilise les femmes de plus de 4000 villages dans un programme de plantation d’arbres autour des villes et des villages. Son but est de lutter contre la déforestation, assurer leur ressource en bois, reconquérir la fertilité des terres, stopper l’érosion du sol et générer des revenus. Cette collaboration entre la population locale et l’ONG a permis la production d’une dizaine de millions de plants forestiers. Plus de 51 millions d’arbres ont été plantés en moins de 50 ans. De plus, 30 000 femmes ont pu être formées à des activités qui leur garantissent des revenus supplémentaires tout en préservant leurs terres et leurs ressources.
6. Quelles sont les leçons apprises à partir d’échecs ou de défis rencontrés dans des projets de reboisement, et comment peuvent-elles être utilisées pour améliorer les approches futures ?
L'importance de varier les stratégies
Je n’ai pas forcément une vision mondiale de ces projets pour en tirer des enseignements. Simplement, j’aimerais insister sur l’importance de varier les stratégies pour lutter contre les échecs de plantations – sur le long terme – face aux changements climatiques. En école forestière, on nous a enseigné le « bon sens paysan » qui consiste « à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». J’adhère totalement à cette approche. Il faut certainement planter de « nouvelles essences » qui viennent d’autres contrées plus sèches et plus chaudes de façon à anticiper les effets locaux du changement climatique. Mais il faut également veiller à ne pas « tirer une croix » sur les essences présentes naturellement sur le territoire. Au sein des populations locales de ces espèces d’arbres, il existe le plus souvent une forte variabilité génétique et il est souvent possible de sélectionner des individus qui présentent une meilleure capacité de résistance aux sècheresses et au stress hydrique que celles-ci induisent chez les végétaux.
Par ailleurs, la qualité de la plantation est essentielle pour réussir un projet. Plus que la quantité, c’est la qualité qui doit prévaloir pour garantir la réussite sur le long terme.
L'importance des plantations dans l'espace urbain
Enfin, il faut aussi avoir en tête l’importance des plantations dans l’espace urbain, que ce soit en Europe ou ailleurs dans le monde. La population est de plus en plus urbaine et il convient de rendre les villes bien plus résilientes vis-à-vis du changement climatique. Et ceci d’autant plus que les épisodes de forte chaleur sont exacerbés en ville. Or, une étude scientifique récente [1] a mis en évidence qu’à l’échelle mondiale, près des deux tiers des espèces plantées dans 164 villes de 78 pays sont aujourd’hui inadaptées au climat attendu en 2050. À New Delhi ou à Singapour, ce sont la quasi-totalité des espèces plantées en ville qui sont inadaptées au climat futur.
7. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’agroforesterie, ses bénéfices ?
Partout dans le monde, l’agroforesterie est une voie d’avenir. Dans de nombreuses régions du monde fortement impactées par les changements globaux, elle est la meilleure garantie de préservation de la fertilité des sols et de restauration de la biodiversité dans les espaces agricoles.
Vous avez envie d’agir pour l’environnement ? Vous désirez contribuer à la protection de la forêt, de la biodiversité, à une gestion durable des ressources, des terres et de l’eau ?
Rejoignez notre campagne Sapousse. Nos projets de plantation luttent contre la déforestation, participent à la restauration de la biodiversité, tout en fournissant aux populations locales un moyen de subsistance.
[1] Esperon-Rodriguez, M., Tjoelker, M.G., Lenoir, J. et al. Climate change increases global risk to urban forests. Nat. Clim. Chang. 12, 950–955 (2022).